La Cour suprême des États-Unis a voté pour le maintien d’une nouvelle loi dans l’État du Texas qui limite considérablement l’accès à l’avortement. Cette attaque scandaleuse aux droits reproductifs doit être combattue par un mouvement de masse en défense des libertés démocratiques fondamentales, qui sont en ce moment piétinées par le système capitaliste corrompu américain.
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Malgré le fait qu’une majorité d’Américains soutiennent depuis des décennies le droit à l’avortement dans la plupart des cas, le gouvernement « démocratique » de l’État du Texas a une nouvelle fois attaqué les droits reproductifs d’une majorité de la population.
Ce dernier ajout dans une longue série de lois anti-avortement au Texas interdit l’opération dès qu’un battement de cœur est détectable, lorsque le fœtus est âgé d’environ six semaines. La loi ne prend évidemment pas en compte le fait que ce moment survient souvent bien avant qu’une femme prenne conscience qu’elle est enceinte. Cette loi permet également aux citoyens de dénoncer toute personne qui effectue, ou qui aide quelqu’un à effectuer un avortement illégal, pour une récompense allant jusqu’à 10 000 dollars. Cela ne se limite pas juste aux médecins qui font un avortement, mais également à quiconque conduirait quelqu’un à son rendez-vous médical pour subir un avortement. De nombreux autres États américains sont prêts à adopter des lois similaires. Sans surprise, la Cour suprême des États-Unis a voté à cinq contre quatre pour que cette loi soit maintenue.
Pire encore, dans un pays où 43,6% des femmes ont été victimes de violence sexuelle au cours de leur vie et où à peine 50 cas sur 1000 d’agressions sexuelles mènent à une arrestation, la loi ne fait pas d’exception pour les cas de viol ou d’inceste. Dans de tels cas, 80% des Américains pensent que l’avortement devrait être légal, et même une majorité (62%) des Américains qui s’identifient comme « pro-vie » est également d’accord.
Alors pourquoi est-ce qu’autant de politiciens capitalistes cherchent à bloquer l’accès à l’avortement aux travailleuses? Après tout, ils n’ont aucun problème avec l’avortement quant il s’agit de leurs maîtresses et de leurs intérêts personnels. Comme d’habitude, l’opportunisme politique passe avant la santé et le bien-être de la majorité de la population. Avant les années 70, les politiciens conservateurs pouvaient se reposer sur le racisme de leur base électorale, composée en majorité d’Évangélistes blancs, en supportant ouvertement la ségrégation. Après que le mouvement des droits civiques ait décrédibilisé ce genre de position, ces politiciens avaient besoin d’un nouveau cheval de bataille pour rallier des votes. Comme nous l’avons expliqué en détail dans un autre article, ils ont décidé de devenir les défenseurs des politiques anti-avortement à partir des années 70.
Bien sûr, les capitalistes et les politiciens libéraux ont versé beaucoup de larmes de crocodiles pour les travailleuses. Mais qu’ont-ils à offrir à ces femmes? Il est intéressant de remarquer que Biden a qualifié cette loi « d’attaque sans précédent sur les droits constitutionnels des femmes protégés par l’arrêt Roe v. Wade ». Mais en 1973, quand l’affaire était débattue, il avait affirmé qu’il ne croyait pas « qu’une femme puisse prendre seule la décision de ce qu’il doit advenir de son corps ». Aujourd’hui, il qualifie la loi texane « d’extrême » parce qu’elle force les victimes de viol et d’inceste à mener leur grossesse à terme. Et pourtant en 1977, il avait utilisé son influence politique pour bloquer des fonds fédéraux précisément destinés à des avortements en cas de viol et d’inceste.
Les actes de Biden en disent plus que ses mots. Par le passé, il a voté : « oui » en faveur de l’Amendement Hyde (pour limiter le remboursement des avortements par l’assurance maladie Medicaid); « oui » en faveur de l’Amendement Hatch (qui visait à faire annuler l’arrêt Roe v. Wade); « oui » en faveur de l’amendement de Jesse Helms qui visait à bloquer le financement fédéral dans la recherche sur l’avortement; et cinq « non » contre l’utilisation de fonds fédéraux pour couvrir les avortements des employés fédéraux. Un amendement anti-choix porte même son nom. L’Amendement Biden au Foreign Assistance Act empêche encore aujourd’hui toute aide américaine d’être utilisée à l’étranger pour de la recherche médicale reliée à l’avortement. Peut-être que le nouveau Gender Policy Council (le Conseil sur les politiques en matière de genre) de Biden devrait se concentrer à défaire ses propres attaques aux droits des femmes.
Melissa Upreti, la secrétaire des Nations Unies en charge de la lutte contre la discrimination contre les femmes et les filles, dit que la loi texane est « profondément discriminatoire et porte atteinte à de nombreux droits protégés par la loi internationale ». Nous posons la question suivante : qui exactement « protège » ces droits – les capitalistes? Les gouvernements qui existent pour servir et protéger leurs intérêts et leur propriété privée? En dernière analyse, aucun gouvernement capitaliste ne peut « protéger » les droits des travailleurs – parce que les travailleurs et les capitalistes ont des intérêts diamétralement opposés.
Quand des coupes doivent être faites – et de telles coupes sont souvent nécessaires, parce que le capitalisme tombe régulièrement et inévitablement dans des crises de surproduction – ce sont les droits des travailleurs et leur qualité de vie qui passent au hachoir en premier. Il n’existe pas de capitalisme « bienveillant » envers les gens qu’il exploite. Puisque les Nations Unies existent pour assurer la survie du capitalisme à l’échelle mondiale, la seule chose que Upreti et ses collègues peuvent garantir, c’est le maintien de l’oppression des travailleuses, qui ne fait que s’aggraver.
De manière ironique, au sein de la classe dominante, les compagnies de covoiturage Uber et Lyft, connues pour leurs pratiques abusives, sont celles qui se sont le plus battues contre cette loi. Maintenant que n’importe quel citoyen peut porter plainte contre quiconque conduit une femme à son avortement, ces compagnies ont promis de payer les amendes de leurs chauffeurs, puisque ceux-ci ne peuvent pas contrôler ce que font leurs passagers. Bien sûr, cela n’aide en rien les personnes qui ont besoin d’un avortement; cela n’étend pas l’accès à l’avortement, ni n’empêche les cliniques de fermer. Pendant ce temps, les chauffeurs eux-mêmes n’ont pas le droit à une assurance médicale financée par leur employeur en dehors de l’État de la Californie, et ils n’ont bien sûr aucun soutien pour leur santé reproductive. Au moins Lyft a redirigé ses employés vers une ressource pour leur assurance santé – le Affordable Care Act du gouvernement fédéral.
Les attaques aux droits reproductifs ne font pas seulement du mal à celles d’entre nous qui ont un utérus, elles portent atteinte à toute la classe ouvrière. Pour les femmes qui dépendent d’un salaire pour leur survie – la très grande majorité d’entre nous – une grossesse non-désirée peut nous plonger dans la pauvreté et l’itinérance. Ce n’est pas tout le monde qui a accès à une assurance maladie et ce n’est pas toutes les assurances qui remboursent les avortements. Par exemple, aux États-Unis, cela coûte en moyenne 10 808 dollars pour accoucher d’un enfant en santé dans un hôpital, même lorsqu’il n’y a pas eu de complications. Si l’on inclut les soins pré et postnataux, la facture peut gonfler jusqu’à 30 000 dollars.
Et pourtant, les Américaines en âge d’avoir un enfant (les moins de 35 ans) ont une médiane d’à peine 3240 dollars dans leur compte en banque. Pour les Afro-Américaines, ce nombre est de 1150 dollars, et il est de 1950 dollars pour les femmes latino-américaines. Autrement dit, pour des millions d’Américaines, une grossesse menée à terme peut signifier des dettes médicales pour la vie, même si la grossesse était voulue. Pour obtenir un avortement en dehors de leur État, les patientes doivent entamer un long voyage de près de 800 kilomètres en moyenne. Quand les jours de travail manqués et le prix de l’hébergement sont pris dans le calcul – car il y a souvent une période d’attente de 72 heures – la charge financière peut être trop lourde à porter.
Il ne faut pas oublier que les urgences financières ne touchent pas que les femmes; quand une crise survient, les hommes et les garçons qui partagent nos vies tombent aussi avec nous. Présentement, 13 millions d’enfants aux États-Unis ne mangent pas à leur faim. Environ la moitié de ces enfants sont des garçons, et ils ne reçoivent certainement aucune aide de leur soi-disant « privilège masculin ».
Il s’agit là d’une des raisons pour laquelle toute la classe ouvrière a un intérêt concret indéniable à lutter pour que l’ensemble des droits reproductifs, y compris le droit à l’avortement, fassent partie d’un système de santé socialisé et universellement accessible, gratuit et placé sous le contrôle démocratique des travailleurs.
Comme nous l’avons vu, la majorité des Américains supportent le droit à l’avortement. Mais comme dans beaucoup d’autres cas, la volonté de la majorité est sans importance dans un système qui n’offre la démocratie qu’aux riches. Alors quand vient le moment de résoudre les problèmes des travailleurs, nous ne devons pas nous faire d’illusions et espérer qu’un gouvernement capitaliste nous offrira la solution. Nous ne devrions pas non plus chercher le salut auprès de compagnies dont l’existence dépend de l’exploitation des travailleurs. Seul un gouvernement ouvrier peut véritablement représenter les intérêts de classe de la majorité.
Dans ce contexte, il est important de se rappeler que l’État ouvrier révolutionnaire établi lors de la Révolution d’Octobre fut le premier gouvernement au monde à légaliser intégralement l’avortement il y a maintenant plus de 100 ans – dans la Russie « arriérée ». Est-ce que cet exploit pourrait se répéter? Nous avons toutes les raisons d’y croire. Aidez-nous à bâtir un parti socialiste de masse des travailleurs! La première étape est de rejoindre la TMI et de s’organiser pour réaliser une révolution de notre vivant.