Le 9 août dernier, alors que de gigantesques incendies embrasaient les quatre coins du monde, le GIEC [1] publiait un nouveau rapport sur le changement climatique. On y apprend notamment que l’Accord de Paris, signé en 2015 par la plupart des gouvernements de la planète, est complètement caduc : il sous-estime gravement le rythme du réchauffement climatique et l’ampleur des mesures requises pour neutraliser cette évolution. C’est d’autant plus inquiétant que, comme nous l’avions prévu, les grandes puissances impérialistes ne respectent même pas les termes de l’Accord de Paris.
La crise climatique et environnementale n’est pas une perspective à moyen ou long terme. Elle a déjà commencé et ne cesse de s’intensifier. Le feu, les inondations, la sécheresse et la pollution ruinent déjà d’innombrables vies, en particulier dans les pays les plus pauvres. Mais les conséquences anticipées par le rapport du GIEC, à l’horizon des prochaines décennies, sont dantesques. Si la menace n’est pas écartée, c’est une longue descente aux enfers qui nous attend.
Dans les pages de ce journal, nous avons dit et répété que cette crise ne pourra pas être réglée sur la base du système capitaliste. De temps à autre, on en trouve aussi l’aveu – involontaire et inconscient – dans les pages de la presse bourgeoise. Par exemple, dans un article du Figaro publié le 23 août et intitulé Réchauffement climatique : la course à l’innovation, Guillaume Guichard nous explique que les moyens technologiques et scientifiques de résoudre la crise climatique existent ou sont en cours de développement. Problème : « Une fois au point, encore faut-il que ces innovations réussissent leur entrée dans le grand bain du marché et soient compétitives ». Or le « grand bain du marché », comme on le sait, est peuplé de gros requins assoiffés de profits. Voilà le cœur du problème : « sauver la planète » n’est pas assez rentable, compétitif, profitable. La « production d’électricité neutre en CO2 » n’est pas assez « rentable », souligne Le Figaro. La captation du carbone « coute encore très cher », trop cher. Et ainsi de suite.
A le lire, on sent que Guillaume Guichard n’est pas tellement perturbé par ce qu’il explique. Sa réflexion ne sort pas des contraintes imposées par la course aux profits, qui est le moteur du capitalisme. Aussi avance-t-il la « solution » suivante : il faut des « subventions pour donner de l’élan à la commercialisation des solutions vertes ». Autrement dit, la crise climatique est un excellent prétexte pour prendre de l’argent aux plus pauvres et le donner aux plus riches.
Un nombre croissant de jeunes et de travailleurs comprennent que le capitalisme ne pourra pas résoudre cette crise. L’économie de marché ne peut pas être la solution, puisqu’elle est le problème. Il est urgent que la gauche et le mouvement syndical en tirent les conclusions qui s’imposent : seule une planification socialiste et démocratique de l’économie, à l’échelle mondiale, permettra d’échapper au scénario catastrophique annoncé par le GIEC. Plus que jamais, l’humanité est confrontée à une alternative radicale : socialisme ou barbarie.
L’impérialisme et l’enfer afghan
La barbarie, toutes les chaines de télévision en ont diffusé des images effroyables, fin août, en direct de Kaboul. L’humiliante défaite des impérialistes – à commencer par l’impérialisme américain – livre des millions d’Afghans à la dictature archi-réactionnaire des talibans.
Les politiciens et journalistes qui soutenaient avec enthousiasme l’invasion militaire de l’Afghanistan, en 2001, font à présent grise mine. Certains n’ont pas de mots assez durs pour fustiger un fiasco dont ils furent pourtant les promoteurs, il y a vingt ans. L’hypocrisie bat son plein, comme toujours en de telles circonstances.
Les larmes de crocodile que ces gens versent sur le sort des femmes afghanes, en particulier, sont absolument écœurantes. A les entendre, on croirait que l’intervention impérialiste de 2001 a ouvert aux Afghanes une longue parenthèse dorée, pleine de libertés démocratiques et d’épanouissement culturel. En réalité, seule une infime minorité d’Afghanes a pu s’arracher à la misère ambiante et embrasser le métier d’avocate, d’enseignante ou de journaliste. Pour l’écrasante majorité des Afghanes, l’impérialisme – notamment français – a apporté davantage de souffrances. La mort, le deuil, l’exil, l’humiliation et l’angoisse permanente : voilà ce que l’impérialisme a donné à la masse des Afghanes (et des Afghans en général) depuis 2001. Et désormais, il les abandonne aux fouets des talibans.
Dès 2001, la Tendance Marxiste Internationale expliquait que les impérialistes ne pourraient jamais stabiliser la situation en Afghanistan – et qu’ils devraient quitter ce pays, tôt ou tard, sans y avoir consolidé un régime soumis à leurs intérêts. Nous y sommes. Mais l’impérialisme et ses guerres continueront. Les peuples opprimés d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et du Moyen-Orient ne seront pas à l’abri de crimes impérialistes tant que le système capitaliste lui-même n’aura pas été renversé. Comme la lutte contre la crise environnementale, la lutte contre l’impérialisme est indissociable de la lutte pour la révolution socialiste.
Horizon présidentiel
Naturellement, Macron s’est empressé d’exploiter la tragédie afghane à ses propres fins. Dans son allocution télévisée du 16 août, alors que des milliers d’Afghans désespérés se pressaient à l’aéroport international de Kaboul, le chef de l’Etat français déclarait : « nous devons nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants qui mettraient en danger ceux qui les empruntent et nourriraient les trafics de toute nature ». L’incroyable cynisme d’une telle déclaration n’est compréhensible qu’à la lumière de l’objectif électoral qui la sous-tend. Macron est en campagne et chasse sur les terres de Marine Le Pen.
Il n’est pas le seul. Xavier Bertrand et Valérie Pécresse chassent sur les mêmes terres. De manière générale, la profonde crise du capitalisme pousse tous les politiciens bourgeois dans le bourbier de la démagogie raciste et sécuritaire. L’objectif est, comme toujours, de diviser la classe ouvrière et de détourner l’attention des masses des véritables responsables de la crise, du chômage, de la précarité et de la misère croissante. La campagne électorale ne manquera pas d’être dominée, à droite, par les thèmes traditionnels du Rassemblement National. Et si Eric Zemmour se lance dans la course, elle franchira de nouveaux sommets de bêtise réactionnaire.
A gauche, la candidature de Jean-Luc Mélenchon est la seule, objectivement, qui porte une certaine radicalité et puisse prétendre à la victoire, en avril prochain. Cependant, nous l’avons souvent souligné, dans ces pages : la « radicalité » de la FI s’est émoussée, depuis 2017. Ses erreurs opportunistes, droitières, se sont multipliées. Au fond de ces erreurs, il y a une vieille illusion commune à tous les réformistes de gauche, de longue date, et qui peut se formuler de la façon suivante : « Il ne faut pas effrayer les classes moyennes par un discours trop radical ». Mais dans le contexte d’une profonde crise économique et sociale, cette « stratégie » se révèle perdante, car un discours insuffisamment radical ne mobilisera pas la masse des exploités – sans parvenir, pour autant, à mobiliser les « classes moyennes », dont les couches supérieures regardent vers la droite, et dont les couches inférieures (les plus massives) sont souvent à la recherche d’une solution radicale à leurs problèmes, précisément.
Le succès de la campagne de Mélenchon dépendra donc, dans une large mesure, de sa capacité à virer vers la gauche, à proposer un programme radical aux millions d’exploités et d’opprimés sur lesquels pèse l’essentiel du poids de la crise du capitalisme. Plus la classe ouvrière sera mobilisée derrière la candidature de la FI, plus les classes moyennes suivront le mouvement : telle est la seule dynamique de classe qui permettrait d’ouvrir la perspective d’une victoire de la France insoumise.
Mais au-delà de cette dynamique, il y a aussi et surtout ce fait majeur, que le « populisme » de Mélenchon tend à masquer : c’est la classe ouvrière – le salariat – qui assure l’essentiel des fonctions économiques et administratives du pays. Sans son aimable permission, pas une roue ne tourne et pas une lumière ne brille. Il faut mobiliser les travailleurs pour les porter au pouvoir et, ainsi, engager la transformation socialiste de la société.
[1] Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.