Durant la nuit du 23 mai, la police a mené une « application drastique » de la loi spéciale 78. La veille, des centaines de milliers d’étudiants, de travailleurs et leurs familles emplissaient les rues de Montréal lors de la plus grande manifestation, et la plus grande opposition à une loi, de l’histoire du Canada.
Un phénomène nouveau, qui montre clairement l’ampleur du soutien aux étudiants et la haine contre la partialité du gouvernement, a été l’organisation d’une « manifestation casserole ». La nuit du mercredi 23 mai, des centaines de parents et d’enfants se sont rassemblés dans les rues en frappant cocottes, poêles et casseroles pour montrer leur résistance à la loi 78 – une attaque sans précédent contre le droit de faire la grève et de manifester, avec interdiction des rassemblements non autorisés de plus de 50 personnes et des amendes exorbitantes.
Cette manifestation illégale a attiré le soutien visible de la population, avec de vieilles dames qui tapaient sur leurs casseroles et de nombreuses personnes qui descendaient dans les rues pour se joindre à la manifestation. Elle est à mettre en lien avec la manifestation nocturne du 30 avril, qui avait rassemblée des milliers de personnes pour marcher dans les rues pendant plusieurs heures. Le choix d’utiliser des casseroles et des poêles pour protester est significatif : ces actions sont devenues célèbres au Chili et en Argentine pendant les années 1970 comme un moyen pour les mères de familles et leurs enfants de protester contre les dictatures de l’époque, contre les assassinats et les « disparitions » d’êtres aimés.
L’ambiance était électrisante, mais tendue. Des informations, qui avaient circulées plus tôt dans la journée, indiquaient que des policiers étaient en train d’arriver par autobus entiers pour réprimer la manifestation. Une manifestation se déroulait simultanément dans la ville de Québec, et les nouvelles via twitter ont annoncé que la police commençait à encercler les manifestants : les arrestations en masse commencèrent alors. Il a été confirmé qu’au moins 176 personnes ont été arrêtées seulement dans la ville de Québec. Plus tard dans la nuit, la police a fait des percées dans le cortège, encerclant des centaines de manifestants et les arrêtant en masse. Au total, c’est 518 arrestations qui ont été déclarées. Ils ont tous été jetés dans des autobus du transport en commun de Montréal (une méthode empruntée à la police de New-York) et emmenés pour recevoir leurs 630 dollars d’amendes pour manifestation illégale. Depuis le début de la grève en février, cela porte le total à 2700 arrestations.
Tous les principaux syndicats étudiants ont promis un avocat pour les personnes arrêtées et une aide pour payer les amendes prévues par cette nouvelle loi. Il est clair qu’une bataille juridique isolée ne suffira pas.
Une loi n’est qu’un bout de papier si elle ne peut être appliquée. Jusqu’à maintenant, même avec les répressions massives, nous avons vu les limites de cette loi, les policiers étant contraints de laisser les manifestations « illégales » se dérouler, tout simplement parce qu’il y a trop de personnes à arrêter. À ce stade, la meilleure défense juridique pour les personnes détenues est une mobilisation massive, qui forcera le gouvernement à abroger cette loi et à abandonner les charges.
Tandis que le mouvement se répand de plus en plus parmi les travailleurs, la possibilité d’une grève sociale devient une réalité concrète. Avec 40% de syndiqués au Québec, ces manifestations casseroles ont clairement réunies des mères, pères, oncle et tantes syndiqués. Nous devons aller vers ces travailleurs pour les convaincre de porter cette lutte dans leurs syndicats et sur leurs lieux de travail. Le mouvement dépasse la question des frais de scolarité à présent. Alors que le directeur de cabinet de Charest a présenté sa démission le 24 mai, ce mouvement remet en question la légitimité même du gouvernement Charest.
Le soutien qu’ont apporté les principales centrales syndicales de travailleurs aux étudiants doit passer des mots à l’action concrète. Si les étudiants peuvent faire descendre plus de 400 000 personnes dans les rues alors que tout le monde travaille, imaginons le nombre, et, plus important encore, le message, que nous pourrions envoyer si tous les travailleurs se mettaient en grève pour une journée. Le point crucial est que les travailleurs ont la capacité de démontrer concrètement qui détient véritablement le pouvoir dans notre société : est-ce les politiciens corrompus au service des banques et des multinationales, qui se cachent derrière la force répressive de la police, ou bien NOUS, étudiants et travailleurs, la majorité de la société ?
Entraînons les travailleurs dans la lutte! Pour une grève sociale de 24h !
Source: La Riposte (Quebec)