Le 15 février, un important référendum aura lieu, au Venezuela, pour en amender la Constitution. La question centrale de cet amendement est la levée de la limitation du nombre de mandats que peut effectuer le président du pays.
Hypocrisie des capitalistes et de l’impérialisme
Cet amendement constitutionnel est présenté par les capitalistes comme un pas en direction d’un régime dictatorial. Chavez est accusé de vouloir être « Président à vie ». C’est une idée parfaitement absurde, qui s’inscrit dans la campagne de mensonges et de déformations que les médias occidentaux mènent contre la révolution bolivarienne, depuis le début.
Les réactionnaires et les impérialistes s’écrient : « Chavez est autoritariste ! » C’est pure hypocrisie. Ce que propose ce référendum, ce n’est pas de faire de Chavez un « président à vie », ni même de prolonger d’un seul jour la durée de son mandat. Ce qui est proposé, c’est que le peuple vénézuélien puisse avoir le droit de voter pour Chavez aux prochaines élections présidentielles. Les gens doivent avoir le droit de voter pour le candidat de leur choix. C’est un droit démocratique élémentaire, que nous défendons. Qui plus est, le référendum propose que cette règle s’applique à tous les maires et gouverneurs régionaux.
Dans certains pays européens qui se targuent d’être des démocraties, le chef de l’Etat n’est jamais élu. C’est le cas de l’Espagne, où le roi Juan Carlos n’a jamais été élu par personne, mais a été nommé par le dictateur Franco. Et pourtant, ce Bourbon pense avoir le droit de demander au président du Venezuela – qui a été réélu avec une large majorité – de « la fermer ».
A quelle sorte de « démocratie » avons-nous affaire, lorsque le chef de l’Etat n’est pas désigné par une élection, mais par le hasard d’une naissance ? La même remarque s’applique à la Grande-Bretagne, la Belgique et d’autres pays qui prétendent être des démocraties. Par ailleurs, en Grande-Bretagne, il n’y a pas de limite au nombre de mandats que peut effectuer un Premier ministre. Il en va de même en France, en Espagne et ailleurs. Cela ne fait même pas débat. Mais dans le cas du Venezuela, cela provoque une levée de boucliers de la réaction. Pourquoi ? La réponse est évidente : ils ne veulent pas que Chavez puisse se présenter aux élections parce qu’ils craignent qu’il l’emporte.
Un moment crucial
Ce référendum se tient à un moment crucial de la révolution vénézuélienne. Après dix années de révolution, les contradictions sont plus aiguës que jamais. La masse des pauvres, des jeunes et des travailleurs s’est mobilisée de nombreuses fois pour sauver la révolution et défendre ses conquêtes. A plusieurs reprises, ces mobilisations ont fait obstacle à des offensives ouvertes de la contre-révolution (le coup d’Etat d’avril 2002, le lock-out patronal de décembre 2002, etc.)
Cependant, après dix ans de lutte des classes, la révolution n’a toujours pas été complétée. La majeure partie de l’industrie, des terres et du secteur bancaire est toujours entre des mains privées. La contre-révolution mène une lutte féroce pour miner l’économie. Elle organise un sabotage délibéré pour provoquer des pénuries alimentaires, qui aggravent l’inflation. Il y a une grève du capital qui provoque des arrêts de production dans tout le pays.
La révolution a réalisé d’importantes conquêtes. Mais elle n’est pas irréversible. Le premier avertissement sérieux a eu lieu en décembre 2007, lors de la défaite du référendum constitutionnel. Puis, lors des élections locales de novembre 2008, la révolution a perdu d’importantes mairies. Certes, le PSUV a recueilli 58% des voix. Mais le taux d’abstention était élevé dans des bastions traditionnels du Chavisme. C’est ce qui explique les défaites à Miranda et Caracas.
Les masses veulent de l’action. Elles défendent les acquis de la révolution, mais elles sont de plus et plus lasses des discours creux sur le socialisme, alors qu’aucun changement fondamental de la société n’est en vue. Les masses demandent une solution à l’inflation, à la pénurie alimentaire, aux problèmes de logement et à la corruption. Elles sont fatiguées de la lenteur des événements et poussent de toutes leurs forces pour un changement immédiat. Elles commencent à comprendre qu’une « révolution dans la révolution » est nécessaire – non seulement en paroles, mais aussi dans les faits.
La révolution vénézuélienne est clairement à la croisée des chemins. Soit elle va de l’avant, se fixe pour tâche d’exproprier les capitalistes, les propriétaires terriens et les banquiers – soit, tôt ou tard, elle sera battue. C’est dans ce contexte que se place le référendum du 15 février.
Un point de vue de classe
Certains intellectuels, et même certaines organisations prétendument « de gauche », restent silencieux sur ce référendum, quand ils ne se prononcent pas pour le « non » en expliquant qu’« il ne faut pas revenir sur des décisions passées », ou encore que « cela va à l’encontre des traditions démocratiques du pays », etc. Ce faisant, ils reflètent les pressions de « l’opinion publique » bourgeoise. Ils voient tout en termes de légalité, soulignant que tel ou tel détail est supposé « poser une problème démocratique ».
Nous avons répondu d’avance à ces gens. En décembre 2007, dans un article sur la défaite du référendum, nous écrivions : « Les réformistes imaginent que la classe ouvrière doit toujours respecter les subtilités légales. Mais comme le disait Cicéron : Salus populi suprema est lex ("Le salut du peuple est la loi suprême"). Nous ajoutons : le salut de la révolution est la loi suprême. Les contre-révolutionnaires n’ont jamais respecté la constitution, et si le coup d’Etat d’avril 2002 avait réussi, ils auraient immédiatement abrogé la constitution de 1999 – dont ils se proclament aujourd’hui les défenseurs. »
Ce n’est pas, au fond, une question de démocratie formelle. Pour les travailleurs et les pauvres, l’élection de Chavez s’est traduite par des réformes sociales et par un contexte révolutionnaire dans lequel les organisations syndicales se sont renforcées. Des gens ordinaires, jusqu’alors exclus de la politique, ont trouvé une voix et un but. C’est pour cela qu’ils veulent réélire Chavez.
Les masses sont très pragmatiques. Elles diront : « Si on perd la présidence du pays, la droite balayera tous les projets sociaux et autres conquêtes de la révolution. » Ces inquiétudes sont parfaitement fondées. Lorsque le gouvernement régional de Miranda a été remporté par l’opposition, en novembre dernier, le premier acte de Radonski, le nouveau gouverneur, fut d’attaquer les misiones, d’ouvrir la voie aux gangs fascistes et de menacer les docteurs cubains qui travaillent sur les projets « Barrio Adentro ». Telle est la face hideuse de la contre-révolution. C’est un avertissement : voilà ce à quoi il faut s’attendre si la contre-révolution s’empare de la présidence du pays.
Les masses lutteront pour gagner ce référendum. C’est une question très concrète. Elles comprennent très bien que Chavez est le seul candidat susceptible de battre la droite, lors des prochaines élections présidentielles. Elles considèrent ce référendum comme une lutte directe entre la révolution et la contre-révolution. Les contre-révolutionnaires voient les choses exactement de la même façon. Seuls d’irrécupérables petits-bourgeois ou des sectaires aveugles ne parviennent pas à comprendre cela.
Comme les guerres entre nations, la révolution socialiste est faite d’une série de batailles et de luttes partielles. Ce n’est qu’en gagnant de telles batailles que les travailleurs et les paysans peuvent acquérir la confiance en leurs propres forces leur permettant de passer à de plus grandes batailles. En conséquence, les marxistes se rangent du côté des travailleurs et des paysans, contre l’oligarchie et l’impérialisme – et font campagne pour la victoire du OUI au référendum.
La question de l’Etat
Récemment, la police régionale d’Anzoategui a attaqué les travailleurs qui occupent l’usine Mitsubishi. Deux ouvriers ont été tués. Plus tard, il s’est avéré que ce crime a été commis par des éléments corrompus et réactionnaires de la police. En conséquence, ces policiers ont été suspendus et arrêtés, sur ordre du gouverneur bolivarien Tarek Saab. Mais ce n’est pas un cas isolé. D’autres cas d’infiltration des forces de police vénézuéliennes ont été révélés au cours de la dernière période. Par exemple, huit jeunes désarmés ont été récemment tués, à Mérida, par des éléments contre-révolutionnaires de la police.
Depuis des années, les marxistes ont prévenu qu’il est impossible d’utiliser le vieil appareil d’Etat bourgeois pour servir les objectifs révolutionnaires. Les événements que nous venons d’évoquer en sont la preuve irréfutable ! Il est absolument indispensable de détruire le vieil appareil d’Etat hérité de la IVe République. Mais il faut le remplacer par autre chose. Que faut-il mettre à la place du vieil appareil d’Etat bourgeois, pourrissant et corrompu ?
La réponse a été donnée il y a longtemps par Lénine, dans son livre L’Etat et la révolution. Il définissait un modèle basé sur les principes suivants :
1) Elections libres et démocratiques de tous les fonctionnaires d’Etat, révocables à tout moment.
2) Aucun officiel ne doit recevoir un salaire supérieur à celui d’un travailleur qualifié.
3) Pas d’armée distincte du peuple, mais le peuple en armes.
4) Graduellement, toutes les tâches de l’administration doivent être effectuées par tout le monde : quand tout le monde est un bureaucrate, personne n’est un bureaucrate.
Il est parfaitement possible de mettre ces principes en pratique, au Venezuela. Nous avons déjà vu des éléments de ce type d’organisation démocratique dans la lutte contre la réaction. En 2004, il y avait les Unités de Bataille Electorale (UBE), puis, plus tard, les Commandos Maisanta, des organes directement élus par la base, avec possibilité de révoquer des représentants qui trahiraient la lutte.
Un autre excellent exemple est l’usine Inveval, à Carrizal, dans l’Etat de Miranda, où les travailleurs ont occupé l’entreprise et ont obtenu sa nationalisation au terme d’une longue lutte. Désormais, le dirigeant de l’entreprise est un travailleur élu par ses collègues. Il reçoit le même salaire que les autres ouvriers. Les travailleurs d’Inveval ont également montré, dans la pratique, que le troisième point de Lénine (« le peuple en armes ») est parfaitement réalisable : ils ont organisé leur propre bataillon de la Réserve Nationale.
Voter OUI et mener la révolution à son terme !
Il faut regarder les choses en face et dire la vérité : l’assassinat des travailleurs de Mitsubishi montre que les problèmes fondamentaux n’ont pas été résolus. Certes, la révolution bénéficie toujours d’un soutien de masse. Mais elle a perdu du terrain. Pourquoi ? Parce que les masses perdent patience. Les deux derniers scrutins électoraux (décembre 2007 et novembre 2008) ont été de sérieux avertissements. Pour expliquer ces reculs, les réformistes du mouvement bolivarien expliquent que la révolution est allée trop loin, trop vite. Les marxistes du CMR répliquent : au contraire, le problème est que la révolution n’est pas allée assez loin, et pas assez vite !
Il y a eu trop d’élections et de référendums, trop de discours sur la révolution et le socialisme, cependant que la tâche fondamentale – l’expropriation de l’oligarchie – n’est toujours pas accomplie. Il y a eu des réformes, mais les problèmes les plus pressants des masses ne sont toujours pas résolus. Ces problèmes seront exacerbés par la crise économique mondiale. La chute des prix du pétrole aura de sérieuses conséquences sur le Venezuela. Pour déstabiliser le pays, les capitalistes vénézuéliens organisent une grève d’investissement. Cela montre l’échec de la tentative des réformistes de construire une « économie mixte » sur la base du « socialisme pétrolier ». Des demi-mesures ne résoudront pas les problèmes ; elles ne feront au contraire qu’exacerber la crise.
Camarades ! Le référendum du 15 février est une nouvelle bataille dans la guerre révolutionnaire. Nous devons gagner cette bataille et nous atteler aux tâches fondamentales de la révolution socialiste. Il faut mener la révolution à son terme, exproprier l’oligarchie, renverser l’Etat bourgeois et appeler les travailleurs et les paysans du continent et du monde entier à nous rejoindre dans la transformation socialiste de la société.
Pour toutes ces raisons, nous disons aux travailleurs du Venezuela :
Le 15 février, votez OUI !
Intensifiez la lutte pour la révolution socialiste !
Nationalisation des terres, des banques et de l’industrie, sous le contrôle des ouvriers !
Rejoignez le Courant Marxiste Révolutionnaire, la tendance marxiste du PSUV, et luttez pour ce programme !
Vive la révolution socialiste !
Alan Woods
Source: La Riposte